mercredi 6 juillet 2011

Rencontre avec No Smart


Comment vous êtes-vous rencontrés?
On est tous les cinq au Lycée Murat d'Issoire, mais on s'est vraiment rencontrés à l'occasion d'une manif (le blocus) en octobre dernier.
Comment avez-vous appris à jouer individuellement?
Victor (basse), Rémy (saxophone) Jordan (guitare/composition) et Ben (batterie) ont appris à l'école de musique d'Issoire. Gaëtan (guitare) est autodidacte. c'est le vilain petit canard du groupe (rires)!
Quelles sont vos influences?
Tout d'abord le blues (on a commencé par là) puis Muse pour Victor et Ben, Les Red Hot, Pleymo et beaucoup de groupes entre Punk et Hard (Jordan).
Y a-t-il des groupes de la région que vous appréciez particulièrement?
Les Elderberries, Subway...
Jordan, c'est toi le compositeur du groupe?
Je compose beaucoup - environ 200 morceaux depuis 5 ans. En général, je fais une maquette sur l'ordinateur que je fais écouter aux membres du groupe. On travaille à partir de ça, mais je laisse les musiciens assez libre dans la création de leur partie instrumentale.
Justement, vous êtes un groupe instrumental. Avez-vous l'intention de le rester?
Non! Gaëtan va se mettre au chant dès la rentrée.
Où répétez-vous?
On a commencé en janvier, dans les locaux de l'Art-Scène à Issoire.
Où avez-vous joué?
Dans le réseau local : Animatis (MJ Days), Podium de la Fête de la musique, etc,  et bientôt le Tapaj Mondovelo le 16 juillet à Issoire.
Vos projets immédiats?
Monter un répertoire avec du chant et jouer à la Coopérative de Mai le plus rapidement possible!

No Smart en concert le 16 Juillet à 19h à Issoire (Tapaj Mondovelo)

vendredi 3 juin 2011

Marc Chalosse : interview (La Montagne, Avril 2011)


Le pianiste et compositeur Marc Chalosse remplace Fred Roz à la tête de l'Art Scène. Sa partition joue l'éclectisme et la nouveauté.
Clermont, l'une des villes les plus rock de France ? D'accord, mais il se passe aussi des choses dans les environs. L'Art Scène, l'espace issoirien des musiques actuelles, est devenu une référence dans la région. 

Ses deux studios de répétition, sa salle de diffusion et son studio MAO ont vu défiler un bataillon de musiciens doués depuis leur création, en 2006, dans le bâtiment de la Maison des jeunes. Groupes semi-professionnels, formations amateurs, élèves de l'école de musique... Une vraie pépinière rock, rap, funk... 

Fred Roz, qui l'a montée et la gérait jusqu'à présent, est parti faire éclore d'autres décibels au Tremplin, à Beaumont. Il a été remplacé par Marc Chalosse, compositeur et instrumentiste, passionné de musiques électroniques. À lui, désormais, la mission de faire bouillonner ce vivier de cultures actuelles. 


Vos premières impressions sur l'Art Scène ?
L'outil est performant. Les responsables de la Maison des jeunes sont très actifs. C'est important pour moi, car c'est par eux que je vais avoir des liens avec les jeunes. L'équipe pédagogique est elle aussi très bien rodée. Il y a une vraie ligne pédagogique, qui vient de mon prédecesseur, Fred Roz. Didier Barrio, Directeur de la vie culturelle, est lui aussi très investi. 

Et d'un point de vue musical ?
Les groupes accueillis ici sont plutôt rock. J'adore le rock, mais j'aimerais aussi faire venir des musiciens qui font de l'électro ou du hip hop. Cela me tient à coeur. 


Comment envisagez-vous votre rôle ?
J'ai un travail de fond à mener pour dénicher les groupes émergents. Il faut qu'il y ait un roulement à la Fabrik. Il faut qu'il s'y passe quelque chose culturellement. 


Des projets ?
J'entends continuer ce qui se fait déjà, mais aussi développer de nouveaux ateliers, autour des platines. On pourrait y faire du scratch et du mix. Il manque aussi un atelier chant. Je me suis aussi aperçu qu'il n'y avait pas de chanteur dans les groupes, sauf dans ceux des adultes. J'aimerais aussi que la chanson ait sa place à l'Art Scène. 


Il existe un certain nombre d'actions envers les collèges et les lycées. Comptez-vous les poursuivre et les développer ?
 Cela fait aussi partie des projets que d'aller dans les lycées pour y proposer des exposés sur différents points des musiques actuelles, sons, photos et vidéos à l'appui. Il y aurait quatre thématiques en tout. Les classes pourraient ensuite venir à la Fabrik pour assister à un « show case », découvrir le travail des techniciens et rencontrer les musiciens. 


Pourquoi est-ce important de mettre des moyens pour les musiques actuelles ? Cela répond à un besoin. Ces musiques nécessitent des lieux de répétition. Tout le monde n'a pas un garage pour jouer du Rock. Bien sûr, on peut apprendre la musique seul, mais c'est bien aussi qu'il y ait un encadrement, sans que cela soit trop formel. Ici, c'est bien : c'est à la carte et à la demande. On n'est pas dans un cadre scolaire. Cela correspond bien à l'esprit des musiques actuelles.

mercredi 1 juin 2011

Marc Chalosse : la bio

Marc Chalosse est instrumentiste (piano/claviers) et compositeur.
Il a étudié le Jazz à l'Eastman School of Music de Rochester (USA) et à New York avec Barry Harris et Andy Laverne.
Il s'installe à Paris en 1989 et accompagne de nombreux Jazzmen (Robin Eubanks, Lonnie Plexico, Craig Harris, Stafford James, Buddy Colette, Steve Argüelles, Deedee Bridgewater, Ricardo Del Fra, François Théberge...).
En 1993, il se passionne pour l'électronique musicale et forme en 1995 le groupe Toy Sun avec John Silverman et DJ Nem. Concerts en Europe et au Japon et enregistrement d'un EP (Comet Records).
Entre 2000 et 2004, il collabore avec Laurent Garnier (tournée Unreasonable Behaviour) et Frédéric Galliano (tournée African Diva et CD Live).

En 2001 il réalise pour le label Signature - Radio France le CD Artaud Remix, d’après pour en finir avec le jugement de dieu d’Antonin Artaud (2001).
Enregistre au Mali sous le pseudonyme de Lipitone le CD Nuits sur écoute, Bougouni (label Frikyiwa, 2002).
Membre du collectif Around, avec Benoit Delbecq, Gilles Coronado et Serge Adam (CD et concerts).

Son dernier projet discographique s'intitule PARIS : NY : TOKYO : BERCK-PLAGE et a été créé en concert en 2006 dans le cadre du festival Présences de Radio France (commande de l'INA/GRM).
Lauréat du prix de composition Luc Ferrari 2007 (la Muse en Circuit/Radio France) pour Histoire de Jeanne.
Depuis son installation en Auvergne en 2004, il compose essentiellement pour le cinéma documentaire, la danse et le théâtre - la Compagnie les Gemmes (Big Blue Eyes, de qui sommes-nous les abeilles, l’Atelier tarkos), Richard Brunel (Hedda Gabbler et Albert Herrig), Eric Massé (Migrances, Rirologie et Mythomanies Urbaines) et la compagnie Athra (la chambre noire).
Depuis Mai 2011, il est coordinateur de l'Art Scène à issoire.

site : http://www.randombias.com/

Morning Parade : "Comment se fabrique un groupe de Rock" (les Inrocks 17/01/2011)

Quand on les voit poser, jeunes premiers déboulés de nulle part, en couverture du NME ou dans les playlists les plus hip de la blogosphère, on se dit que les groupes anglais ont bien de la chance de vivre dans un pays où l’ascenseur social grimpe à une vitesse aussi vertigineuse. On oublie qu’il descend aussi vite, directement vers la décharge où croupissent musiciens déchus et rêves castagnés. On rate surtout, en évoquant la seule chance, l’effarant et diabolique travail qui précède, dans un pays où la musique est rigoureusement quadrillée par l’industrie du disque et les médias en meutes.

Car souvent, ces jeunes godelureaux ne sortent pas du néant provincial qu’on essaie de nous vendre comme terreau : la plupart d’entre eux viennent de sacrifier leur jeunesse, entassés dans un van et un local de répétition insalubre. La chance n’existe pas : juste une organisation militaire, de la sueur, des larmes et des rêves brisés. Prenez Morning Parade. Vous n’avez jamais entendu une note de musique de ce groupe et c’est normal : il n’a rien sorti à part un 45t à l’ancienne. Ça ne l’empêchera pas d’être, à l’été 2011 ou 2012, la proie de tous les grands festivals anglais puis des charts du pays. Le reste de l’Europe suivra.

On a demandé au groupe de pouvoir l’accompagner de l’intérieur, étape par étape, dans ses premiers pas vers cette gloire. Surprise : il a accepté de nous ouvrir les portes d’une cuisine interne que tant d’autres préfèrent auréoler de mystère. Un dicton anglais amplement vérifiable affirme qu’il n’existe pas de grand groupe sans grand manager.

Celui de Morning Parade s’appelle Dave Wallace, il a leur âge et une vision stupéfiante de l’avenir. Ancien chanteur de punk hardcore, cette force de la nature est arrivée dans le milieu par la petite porte : les concerts. Organisateur de tournées à succès pour d’obscurs groupuscules américains dont son groupe assurait les premières parties, il a vite été repéré par les plus gros agents anglais. Trois semaines après son embauche chez Primary Talent, il recrute son premier groupe, Glasvegas, puis Two Door Cinema Club. Succès immédiat. “J’ai très vite vu les chiffres, l’argent que ces concerts généraient. J’ai décidé d’appliquer cet enseignement à un groupe que j’avais découvert de mon côté : Morning Parade. A partir de 2007, j’ai commencé à les développer, les façonner.”

Très vite, il s’impose comme sixième membre du groupe : celui qui orchestre les progrès, condamne le groupe au travail forcé. Il leur donne des devoirs : faire un point précis de l’évolution et chaque jour lui envoyer une chanson ou au moins un refrain. Chaque jour, pendant trois ans. Ce type est un bourreau mais il a vu une promesse dans les chansons de Morning Parade. “Pendant des années, seules six personnes connaissaient ces chansons énormes qui allaient envahir l’Angleterre : le groupe et moi. Je mentais à mes amis et à mes collègues, je leur disais que je cherchais toujours un groupe car je ne voulais pas éveiller les soupçons. C’était frustrant de garder un tel secret mais il fallait le couver, l’affiner. On savait que l’industrie du disque avait changé, qu’il fallait au moins douze chansons prêtes et indiscutables avant de sortir le groupe à la lumière.”
“Sans lui, nous n’en serions pas là, confirme le groupe à l’unisson. Il nous a protégés pendant des années du monde extérieur, de l’industrie, en nous laissant vivre et créer dans notre bulle. Il connaît nos chansons mieux que nous, sait comment nous sortir des impasses. Musicalement, il nous donne des pistes.” Hormis dans le cas des boy’s bands, rarement manager aura eu une telle emprise sur ses poulains, gérant et s’ingérant sans répit, respectant scrupuleusement un tableau de marche fixé avec trois ans de visibilité.

“J’ai effectivement un peu expérimenté avec eux mais sans cynisme, sans calcul : ce groupe, ce n’est pas ma création, prévient Wallace. Ils sont eux-mêmes déterminés et impliqués au-delà du raisonnable. Par exemple, quand ils donnent un concert dans la semaine, ils rattrapent ce temps “perdu” en répétant le dimanche. Personne ne mesure le boulot, les sacrifices que nécessitent le succès et surtout la longévité : la chance n’a rien à voir dans une carrière.” Quand on les retrouve en studio, c’est jour de fête chez Morning Parade : on vient de leur livrer les premiers exemplaires de leur single Under the Stars, un joli 45t emballé dans un poster qu’ils scrutent émerveillés mais avec des regards de dangereux control freaks : après des années dans le monde virtuel des MP3 et des streamings sur MySpace, leur musique se fait objet.

La fierté et le soulagement sont palpables. On attendra pour le champagne : profitant de la tournée de Gorillaz, le groupe a investi à Londres les somptueux studios de Damon Albarn et y enregistre son premier album. Les garçons ne se déconcentrent pas, même quand leur manager leur annonce qu’ils seront invités cet été en première partie d’une tournée gigantesque de Coldplay en Allemagne : 15 000 personnes chaque soir.

Non, pour le moment, ce qui compte, c’est la réaction du premier visiteur autorisé à écouter leurs chansons après des mois d’autarcie. En trois ans, elles sont passées par toutes les étapes, toutes les fausses pistes. Les garçons les écoutent sans doute pour la deux millième fois mais ils sont aussi excités que s’ils les avaient écrites la veille. Le son est énorme, épique, puissant à en décoller les rétines. Souvent noyées dans un écho de cathédrale gothique, les guitares semblent jouer en chorales, un mille-feuille de mille bruits. Chacune est un tube XXXL. La production est touffue, complexe : du rock épique, oui, mais avec derrière des dérèglements de rythmes, des clappements disco, des synthés de transe, du disco noir.

L’écoute vire carrément au son et lumière avec Headlights, un monstre si grandiloquent que son intro pourrait, en 2012, servir de BO pour les JO sur la BBC. Tout est ici à l’échelle de l’énormité : cette musique de danse n’a pas connu les clubs mais les raves ; ces pop-songs ignorent tout des concerts mais ont assisté à tous les festivals. Le groupe acquiesce : “C’est vrai que nous avons vu davantage de concerts avec 15 000 personnes que des petits shows intimistes. C’est notre façon de consommer la musique. Les groupes dont on avait les affiches dans nos chambres jouaient à Wembley : nous avons tout de suite rêvé de nous retrouver sur ce genre de scène. Nous avons composé en fonction de ça. Les chroniques, les passages radio, on s’en fiche : on veut juste entendre nos chansons reprises en choeur par 20 000 personnes.”
Ce n’est pas de la flambe, de la rodomontade typique des jeunes coqs anglais : le groupe s’y voit vraiment. Il parle sans le moindre complexe de l’emphase, de la démesure de sa musique : il l’a voulue. Car Morning Parade, élevé dans la platitude désespérante des banlieues sans fin de l’Essex, a utilisé sa musique pour s’évader, rêver de grandeur. “On voulait sortir de ce monde étroit, de ces ambitions limitées. Par réaction à la banalité, à la platitude, on rêvait en large, en Technicolor.”

Cet effet Technicolor donne toute sa puissance, son irréalité à la musique de Morning Parade. Collision frontale de gris foncé et de couleurs, elle organise la rencontre de deux sons a priori inconciliables : le rock lyrique et chancelant, appris chez Radiohead ou Muse, et la frénésie des free parties, une longue tradition dans l’Essex où Londres venait en voisin s’encanailler dans les champs. Un mélange qui un jour a démoli le format des chansons jusque-là composées par le groupe. “Nous n’avions aucune intention de marier les deux genres, c’est un accident, se souvient le clavier Ben Giddings, qui a introduit ce virus electro. Il n’y a rien de plus laid qu’un beat dance plaqué sur une chanson rock mais là, ça fonctionnait naturellement.”

L’accident s’appelait A&E, une chanson qui a explosé entre les mains du groupe et l’a laissé hébété. “Pour la première fois, une chanson réunissait toutes nos facettes. Nous avons jeté tous nos vieux titres et reconstruit notre répertoire à partir de cette chanson.” C’est alors que la machine Dave Wallace s’est mise en marche. Patient depuis plus d’un an et demi, il sent avec A&E que ses efforts paient enfin. Nous sommes en 2008. Pour un test in situ, Morning Parade tourne sans annoncer son nom avec Glasvegas, groupe en vue du moment. “Devant les réactions mitigées, je les ai renvoyés à leur local de répétition : les chansons étaient trop longues, trop compliquées.”

Le groupe bouleverse à nouveau, en quelques mois, son répertoire : paroles simplifiées, mélodies concises, efficacité maximale. Cette fois, les shows tiennent la route et le rusé Dave Wallace place systématiquement son groupe en première partie de concerts déjà complets, pour détourner si possible la ferveur garantie d’avance du public – avec le risque que les fans jettent ce groupe inconnu. Mais les nouvelles chansons de ce groupe que personne ne connaît transforment chaque soir les vastes salles en brasier. Très vite, Wallace fait le tour des labels anglais.

Il en revient déçu : “Tout le monde voulait les signer mais ils avaient tous un discours ancien, usé… En janvier 2010, nous avons commencé à négocier avec Parlophone. Nous avons signé en mai. Ils nous ont parlé d’un développement patient, à la Verve. C’est un cas unique de groupe signé avant même d’avoir joué son propre concert à Londres. J’ai forcé les labels à se déplacer en province pour les voir : je voulais tester leur enthousiasme.” Comme dans une chanson de Radiohead, l’un des refrains du groupe parle de “lièvre figé dans la lumière des phares”.
C’est l’impression que donnent les cinq garçons avant Noël : des gens qui ont oublié comment vivre, comment communiquer, comment exister en dehors du studio. On leur parle du sacrifice de leur jeunesse : la réponse est sidérante. “Moi, j’ai carrément plaqué ma copine pour me concentrer à fond sur ce groupe, passer autant de temps que je voulais en studio. Je lui ai dit que je l’aimais mais moins que ma musique”, dit l’un. “Moi, si ma copine me demande ‘ c’est moi ou tes copains’, elle connaît d’avance la réponse”, poursuit son voisin. “Ce groupe, c’est notre vie ; le local, c’est notre maison”, surenchérit un troisième, parlant de ce lieu sans vitres qu’ils ont patiemment transformé en local, s’improvisant plâtriers ou électriciens.

“S’il y avait de la place pour des lits, on y vivrait”, relance un des cinq garçons qui avoue passer sa vie, même au domicile conjugal, à enregistrer des bouts de phrases sur dictaphone, à communiquer avec les autres membres par mails. “Je culpabilise dès que je consacre une seconde à autre chose que Morning Parade. Mais ce n’est pas un sacrifice, je préfère ma vie à celle de mes copains rangés, mariés, pères…” Cette foi sans limites, cet élan collectif, cette certitude du triomphe possible ont séduit leur label. Pour avoir épaulé ou signé Blur, Verve, Radiohead, Supergrass ou Coldplay, Miles Leonard, boss du label londonien Parlophone, aurait pu se montrer blasé face à ce groupe à guitares, un de plus… “J’ai été estomaqué par la maturité, l’ambition de leur écriture. On partait de très haut. J’ai senti tout de suite à quel point ils étaient investis, en mission, intègres. Même leur manager m’a scié : il avait sur papier le plan de vol du groupe, point par point, pour les années à venir ! Ils semblaient tous très confiants et, chose rare pour un jeune groupe, ne ressentaient pas le besoin de se raccrocher à une scène… J’entends souvent des musiciens se vanter d’avoir déjà composé quarante chansons, sans préciser que trente au moins n’ont pas le niveau de faces B. Chez Morning Parade, la sélection est impitoyable. L’Angleterre a cruellement besoin d’un nouveau groupe à guitares en 2011. Et eux sont du même bois que des artistes avec qui j’ai travaillé, comme Chris Martin, Damon Albarn ou Thom Yorke.”

Les garçons de Morning Parade représentent un rêve pour une maison de disques – ou un entraîneur de foot : des moines soldats. On ne rencontre pas tous les jours un groupe prêt à sacrifier sa sexualité, sa vie sociale et ses nuits pour sa musique. Prêt aussi à recruter lui-même chaque membre de son entourage. Il faut un publiciste ? Ce sera celui de Radiohead ou de Gorillaz. Il faut un tourneur américain pour bâtir la carrière à force de concerts ? Ce sera celui de Snoop Dogg. Il faut envisager un merchandising un peu plus ambitieux que le simple T-shirt ? Morning Parade a recruté un cador, chargé de préparer une gamme de polos chic et abordables. “L’équipe est complète et archi compétente, jusqu’au chauffeur du bus : une équipe commando, une organisation militaire”, rigole Dave Wallace.

Ne manque plus que l’éditeur : interlocuteur clé pour un groupe dont la musique est destinée aux synchros de film, aux génériques, aux publicités… Souvent considéré, en Angleterre, comme le simple banquier du groupe, via un système affolant d’avances, l’éditeur de Morning Parade sera lui aussi choisi en fonction de la nouveauté de son discours. “Nous sommes très pointilleux, confirme le groupe. Nous voulons vraiment que chacun partage notre enthousiasme pour notre musique. Comment pourraient-ils convaincre leurs interlocuteurs sans être convaincus eux-mêmes ?” Ne reste plus au groupe qu’à finir d’enregistrer ses hymnes puis les commercialiser. Un détail. Dave Wallace : “Seul le goût du public pourrait faire dérailler le processus. Même là, j’ai des idées si ça foire : il existe un plan B.”

Concert : le 26 mai à Paris (Flèche d’Or), puis à Clermont-Ferrand (à confirmer…) au Festival Europavox (26-28 mai)

Dave Wallace : rencontre à la Coopé


Le 26 mai dernier avait lieu une rencontre organisée par la Coopérative de Mai avec Dave Wallace, interrogé par J.D. Beauvallais (les Inrocks).
Dave Wallace est le manager des Morning Parade, groupe programmé le même jour à la Coopé dans le cadre du Festival Europa Vox.
Malgré son jeune âge (26 ans), Dave n'est pas un débutant : il s'est fait une réputation en manageant les Glasvegas, puis Two Door Cinema Club, deux cartons des charts anglais. Depuis 2007, il met toute son énergie au service d'un groupe d'inconnus qu'il a décidé de mener au firmament : les Morning Parade.
Sa stratégie est simple : dégager les membres du groupe de tout souci matériel  et financier (loyers, factures, impôts, etc) afin que l'énergie de chacun se focalise sur la musique et sur rien d'autre que la musique. Le groupe répète quotidiennement et a des comptes à rendre au manager : une nouvelle chanson ou au moins un refrain par jour! " On n'est pas loin de l'esclavage "  confie le manager, " mais les musiciens y trouvent leur compte. Avant, ils bossaient sur des chantiers de 6h à 16h, puis répétaient à partir de 18H. Maintenant c'est musique non-stop!".
Toutes les répétitions sont enregistrées sur un petit magnéto numérique : " Le groupe voulait enregistrer une maquette; comme je n'avais pas les moyens de leur payer des heures de  studio d'enregistrement, j'ai acheté un petit enregistreur numérique stéréo : quand la musique sonnera suffisamment bien dessus on ira en studio! "
Une fois un répertoire de base constitué, le groupe originaire de l'Essex s'est produit dans le circuit local, afin de se de rôder et de constituer une base de fans : " Inutile d'essayer de jouer à Londres tant qu'on n'est pas capable de réunir 200 spectateurs dans sa ville ". " Une base de fans est indispensable : se sont les meilleurs chargés de communication du monde! "
Concernant la communication justement, Dave a fait dans le minimalisme et la rétention pendant ces années de formation : une seule chanson sur myspace, aucun support visuel ou textuel ( " Just one song " ). Au passage, signalons l'importance du song writing pour Dave : " La qualité de la chanson, c'est la base. Elle doit tenir, par ses seules qualités d'écriture, même accompagnée d'un simple piano ". Et ça marche, puisque le buzz a été énorme autour de ce groupe d'inconnus. " Les Directeurs Artistiques de tous les labels nous ont contactés mais je n'ai jamais répondu, ce qui n'a fait qu'amplifier le buzz! ".
C'est Miles Leonard de Parlophone (Coldplay, Blur, Verve...) qui a signé récemment le groupe. Dave l'a convaincu en lui présentant un "business plan" visionnaire relatif au développement du groupe sur les 18 prochains mois. " Les labels n'ont plus de fric à donner aux groupes. La seule manière d'en obtenir c'est de montrer chiffres à l'appui la cohérence du management sur le long terme ".

Marc Chalosse pour L'Art Scène.